La crise économique
📰 Malgré la crise, certaines entreprises peinent toujours à recruter
Par Béatrice Madeline et Aline Leclerc – Le Monde, 19 mars 2021
Alors que la crise du Covid-19 a ralenti l’économie mondiale, certaines entreprises françaises continuent de faire face à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Dans l’industrie et la construction, les difficultés de recrutement persistent, obligeant les employeurs à innover en matière de formation et d’embauche.
Des métiers en tension malgré la crise
Chez Bergerat Monnoyeur, concessionnaire de machines Caterpillar, la recherche de mécaniciens qualifiés reste un défi constant. L’entreprise, qui compte 1 700 salariés, recrute chaque année près de 200 personnes. Pour pallier le manque de candidats, elle a créé sa propre école interne : la Bergerat Monnoyeur Academy, en partenariat avec des établissements de formation.
Selon Philippe Mutricy, directeur des études à Bpifrance, les difficultés de recrutement demeurent un frein structurel à la croissance. Les secteurs de la construction (+20 % d’embauches prévues) et de l’industrie manufacturière (+15 %) figurent parmi les plus touchés.
Former pour recruter
Face à la rareté des profils techniques, certaines entreprises ont choisi de recruter avant de former. C’est le cas d’AEB, entreprise de location et maintenance de matériels de chantier et agricoles, qui a adopté le CDI intérimaire “apprenant”. Ce dispositif, mis en place avec Adecco, permet à des personnes éloignées de l’emploi de suivre une formation en alternance avant d’être intégrées durablement à l’entreprise.
Ces parcours de reconversion offrent une seconde chance à des salariés fragilisés par la crise. Fanny, 29 ans, ancienne intérimaire dans l’aéronautique, a ainsi trouvé un emploi stable dans la fibre optique après une courte formation.
Freins culturels et reconversions difficiles
Tous les transferts de compétences ne sont pas simples. Certaines reconversions échouent pour des raisons culturelles ou identitaires : des salariés issus de l’aéronautique, par exemple, ont du mal à se projeter dans la mécanique industrielle.
Le numérique, nouvel enjeu de formation
La transition numérique accentue encore la demande de compétences nouvelles. Pour y répondre, des entreprises comme General Assembly ou BNP Paribas Cardif forment leurs salariés en interne.
Depuis 2018, BNP Paribas Cardif a accompagné plus de 900 collaborateurs dans des formations courtes ou de reconversion vers des métiers du digital (UX design, data, expérience utilisateur). Selon la direction, il est plus efficace et moins coûteux de former ses salariés que de recruter sur un marché en tension.
Anticiper pour éviter la pénurie
Les experts insistent sur l’urgence de penser les besoins de compétences en amont. « Une crise n’efface pas les problèmes structurels », rappelle Philippe Mutricy. Sans anticipation, les entreprises risquent de se retrouver, en sortie de crise, face à des pénuries massives de main-d’œuvre qualifiée, compromettant la reprise économique.